La pornographie bientôt interdite en France ?

Agenda Q

Sous couvert – honorable – de vouloir protéger la jeunesse de la pornographie, le gouvernement installe une loi actuellement inapplicable techniquement, obligeant les opérateurs internationaux comme Youporn et Pornhub à évoquer l’arrêt prochain de leurs services en France. Et AgendaQ pourrait bien être concerné à terme comme pléthore d’autres sites web.

Plutôt qu’éduquer et responsabiliser les parents pour qu’ils installent le contrôle parental sur les smartphones de leurs enfants – la mesure la plus efficace qui soit – le gouvernement a fait voter en 2020 une loi obligeant les sites web porno à installer des outils de vérification de majorité pour les visiteurs. C’est un peu comme quand on a échoué dans la chasse contre les dealers et que par facilité, on se retourne contre les consommateurs. 

Bien sûr, comme répété à longueur d’éditos et de billets, cette loi ne sera évidemment pas efficace puisque les gamins savent installer et utiliser un VPN qui permet de faire croire aux sites web porno que l’on n’est pas français et que l’on peut donc accéder à tous les contenus possibles. Mieux, certains navigateurs comme Tor Browser (compatible toutes plateformes) intègrent désormais leur propre VPN, plus besoin d’être un jeune ou un ingénieur pour installer les moyens de contournement. Tout se passe en quelques clics.

A quoi sert donc cette loi ? A satisfaire les associations de défense de l’enfance d’abord, même si cette loi est inefficace, à crier haut et fort ensuite que l’on a fait quelque chose, et enfin, aussi à faire les yeux doux à la droite et à l’extrême-droite. En ces temps de majorité relative, cela peut être utile.

Mais le problème n’est pas la loi en elle-même mais son application. Car, au-delà du doux rêve du législateur en 2020, il y a la mise en œuvre technique. Et sur ce point, la CNIL avait émis dans le passé un avis défavorable au regard de la protection des données personnelles (RGPD). La loi existe donc mais personne ne sait comment l’appliquer … Le ministre délégué au numérique Jean-Noël Barrot (qui a un compte Twitter certifié, notez cette information intéressante pour la fin de ce billet) twitte ces derniers jours : « ces sites doivent tout simplement vérifier l’âge de leurs visiteurs : les outils existent ». 

Eh bien dans la vraie vie des vrais gens : Non ! La solution n’existe pas, ou du moins, pas encore. En attendant, la CNIL (qui a dû se faire taper sur les doigts par le gouvernement entre temps) a sorti ses recommandations le 21 février dernier. En voici l’extrait opérationnel : « Dans sa position publiée en juillet 2022, la CNIL a appelé au développement de nouvelles solutions. Elle a également indiqué qu’en l’attente du déploiement de systèmes plus vertueux, elle juge acceptable le recours à la vérification de l’âge par validation de la carte de paiement ou des procédés d’estimation de l’âge reposant sur une analyse faciale sans reconnaissance faciale. Dans les deux cas, elle recommande que ces systèmes ne soient pas mis en œuvre directement par le site web consulté mais par un tiers indépendant. »

Nous avons cherché ces fameuses solutions de vérification de l’âge du visiteur, en capacité de renvoyer un certificat numérique anonymisé… nous n’avons pas trouvé à ce jour. Les solutions existent-elles réellement comme l’affirme le ministre délégué au numérique ? Sont-elles réellement disponibles en France ? Nous avons trouvé des solutions, certes, mais aux USA avec un transfert de données personnelles hors Union européenne et cela est évidemment contraire aux directives européennes si nous avons bien compris.

Preuve que ces solutions n’existent pas, le site web du Sénat : publicsenat.fr a publié un article le 20 juin dernier dans la perspective de l’étude d’un texte de loi de compromis (entre cette loi et le respect de la loi sur les données personnelles) qui sera étudié par le Sénat début juillet. Extrait : « Le projet de loi prévoit justement un renforcement du pouvoir de l’Arcom qui devra élaborer après l’avis de la CNIL, « un référentiel général déterminant les exigences techniques auxquelles doivent répondre les systèmes de vérification de l’âge », des plateformes des contenus pornographiques. » 
(source : publicsenat.fr, journaliste : Simon Barbarit). 

En réalité, on demande aux sites web porno de mettre immédiatement en place des mesures selon un référentiel (un mode d’emploi) qui n’existe pas encore. 
Les associations de protection des mineurs vont plus loin, et notamment le délégué de la Coffrage. Dans ce même article publié sur publicsenat.fr, 
on peut lire son avis : « les plateformes essayent de nous faire croire que si aujourd’hui les contenus pornographiques sont accessibles aux mineurs, c’est un problème technique. On n’aurait pas les technologies nécessaires… Mais l’intérêt supérieur de l’enfant exige de réfléchir à l’inverse. Si nous n’avons pas les technologies nécessaires pour contrôler l’âge des mineurs alors la loi implique qu’on ne peut pas faire commerce de ces contenus pornographiques ». Traduction : fermeture des sites web porno tant que les moyens techniques n’existent pas.

Sur Agendaq.fr, l’essentiel des données n’est pas pornographique : les agendas, les news, les reportages photos,…  ne sont pas concernés par cette loi à priori. Par contre, les rubriques Selection des meilleurs blogs avec ses milliers d’images, les gifs et les courtes vidéosX devraient l’être si nous avons bien compris le texte. Deux solutions : fermer ces sections du site web alors qu’elles rencontrent un grand succès, ou installer (dès que nous saurons comment et combien cela coûte) les outils quand le référentiel sera sorti. 
Nous sommes actuellement dans le doute car développer ces solutions imposerait que nous passions à une formule payante pour l’accès à ces sections, ce que nous avons toujours refusé de faire. Mais la loi est la même pour tous… Nous réfléchirons à cela durant les prochains mois.

Il reste malgré tout un problème fondamental d’égalité : il y a autant de pornographie sur Twitter que sur Pornhub ou Youporn. Macron qui souhaite qu’Elon Musk, le patron de Twitter et de Tesla (les voitures électriques) installe une grosse usine en France, osera-t-il dans ce contexte imposer à monsieur Musk la fermeture de Twitter en France ? Sachant que la France a besoin d’Elon Musk et de son argent, et pas l’inverse. Et dès lors, on ne peut pas traiter un acteur sur le web différemment d’un autre, au nom de l’égalité de traitement devant la loi, qui devrait être la même pour tous. 

A suivre…

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