Le monde fetish évolue et se diversifie à une vitesse que beaucoup ont du mal à appréhender. De plus en plus de pratiques qui pendant des années n’étaient considérées que comme des « niches » pour un public restreint et confidentiel, s’expriment à présent au grand jour et il est de plus fréquent d’être confronté à un discours ou une attitude que nous ne comprenons pas automatiquement.
Les temps changent.
La majorité des associations sont multi fetish et il est aujourd’hui risqué de lancer une soirée ou un événement qui ne serait destiné qu’à un type précis et restreint de public. Je discutais récemment avec le président d’un groupe fetish qui me racontait combien il était de plus en plus difficile de fédérer les membres sur des thèmes trop pointus. C’est comme ça, me racontait-il, qu’un gars s’est présenté à une soirée organisée, dans une combi blanche de peintre. Ce n’est qu’une fois au bar que le gars à eu l’envie de chier debout dans sa combi, exhibant tranquillement une grande tache avec l’odeur qui va avec. Et c’est là que la question s’est posée : qu’est ce qui rend ce gars moins légitime qu’un autre ? Devait-on lui faire quitter les lieux ? Je choisis cet exemple un peu extrême mais il est parfaitement révélateur des débats actuels au sein de notre communauté.
Les temps changent.
Le petit monde des Misters, qu’ils soient cuir ou autre, a un intérêt : il soulève des passions, il lance des débats, il révèle des lacunes dans notre communauté. Mis en avant par son public de followers, la difficulté à vivre en totale inclusion continue de questionner. C’est ainsi que récemment, Karin Bleie a décidé d’affirmer sa non binarité par l’évolution de son titre de Miss en Mister Fetish Eagle Amsterdam 2022. Cette annonce fait l’effet d’une bombe dans le Landerneau des Misters et certains puristes n’ont pu s’empêcher de commenter très négativement cette nouvelle. Il faut dire que Karin aime aussi se montrer en petite mini jupe et couette comme une écolière coquine, qu’elle est adepte ABDL (les couches culottes pour grandes personnes) et que beaucoup s’y perdent.
Les amateurs de latex connaissent sans doute Pusckatt Pumera ONYX. Il a été élu Mr. International Rubber 26 il y a quelques mois à Chicago mais là encore, combien de commentaires de « haters » sur la toile. On lui reproche ses talons aiguilles, ses latex roses et sa féminité ou plus exactement, on lui reproche de s’être présenté pour un titre représentant une communauté. Dans l’inconscient collectif, un Mister c’est un vrai mec. Mais les codes évoluent plus vite que la mentalité actuelle et la notion de « mec » est complètement obsolète. La communauté fetish a su très intelligemment ne pas ériger de frontières d’âge entre les gens et il est plus facile que dans bien des groupes pour un senior d’être accepté et épanoui, l’âge étant souvent vu comme une expérience et un savoir respecté. Les Daddies sont toujours appréciés. Pourquoi s’arrêter sur cette lancée ? Il nous reste maintenant à ne plus considérer ceux de la liste, les B, T, Q, I, +, +, qui nous donnent bonne conscience, comme des cousins pauvres qu’on tolère au mieux aux bars de nos clubs mais pas dans nos backrooms.
Les temps changent et on doit changer avec lui. Les « minorités » prennent le pouvoir et ne nous demandent pas notre avis. Il est peut être temps pour une grande partie d’entre nous d’ouvrir les yeux et de regarder les choses en face. Les identités Queer et non-binaire s’installent dans la communauté en force, les tabous tombent les uns après les autres et pour citer ce qui est visible de prime abord, de plus en plus d’attributs qui nous semblaient encore récemment inimaginables sur un mec, le maquillage, les ongles peints, une jupe ou des talons, que sais-je encore, se retrouvent dans le vestiaire de plus d’un leatherman et ils ne demandent pas notre autorisation. Mieux, ils nous interrogent sur notre propre masculinité : est-elle oppressive, toxique ? Avons nous le compor-tement adéquat face à l’autre ? Ce sont des questions qui se sont souvent posées à moi pendant mon année de Mister, où j’ai pu rencontrer beaucoup de gens de tous horizons. Je crois que ça m’a bien aidé dans mon introspection. Je suis un mâle blanc, cisgenre et ça ne m’empêche pas de vivre avec ceux qui ne se définissent pas comme tels, s’ils viennent vers moi. Non, je ne fais pas le coup des Bisounours, et je ne demande pas à ce que tout le monde s’aime. On aura toujours le droit de ne pas désirer quelqu’un (Cocteau parlait de la bite de l’homme comme la seule chose qui ne peut pas mentir), tant qu’on lui fait comprendre poliment.
Pour tous ceux qui voudraient approfondir ce thème, je ne saurais trop conseiller la lecture des interviews sur le site « Wearefetish » (en anglais, une traduction française est en cours). Vous y trouverez des témoignages de divers acteurs de la communauté, homme, femme, trans, non-binaire et/ou au fetish très spécifique. Derrière chaque histoire, il y a la même revendication : quelle que soit notre façon de vivre au sein de la communauté, nous sommes tout autant légitime que n’importe qui d’en faire partie.
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